La société minière d’État Gécamines a versé plus d’un demi-milliard de dollars d’avances fiscales sur les comptes de la Banque centrale pendant le deuxième mandat de l’ancien président Kabila. Cependant, le chef de l’Inspection Général des Finances a émis de sérieux doutes quant à savoir si cet argent est effectivement parvenu au Trésor public et à quelles fins il a été utilisé.
« La Banque Centrale n’a jamais, jusqu’à aujourd’hui, pu nous donner la moindre preuve que cet argent a atterri dans les comptes du Trésor », a précisé Jules Alingete, le chef de l’IGF lors d’entretiens avec Mediapart et RFI, membres du consortium Congo Hold- up. Du côté du ministère des finances, qui aurait dû normalement réceptionner les fonds, « les régies financières n’ont jamais eu de preuves que l’argent est arrivé », poursuit M. Alingete.
Une nouvelle recherche menée par Resource Matters retrace ces multiples avances faites depuis 2012 et tend à confirmer les soupçons de l’IGF sur des éventuels détournements d’argent public. Ces nouvelles révélations dans le cadre de l’enquête Congo Hold-up , sont basées sur une fuite d’environs 3.5 millions de documents issus de la banque BGFI, obtenus par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique et Mediapart et analysés par un consortium constitué de 19 médias et 5 organisations non gouvernementales.
Sur la base de ces informations, Resource Matters, en collaboration avec Mediapart, l’Orient-Le Jour, RFI, The Sentry et De Standaard, a pu retracer en partie l’origine de l’argent utilisé par la Gécamines pour payer les avances, et la destination finale de l’argent.
Resource Matters a pu relier 30 millions de dollars d’avances fiscales versées par la Gécamines en 2012 à l’organisation du Sommet de la Francophonie, ainsi que retracer les 8 millions de dollars avancés en 2015, qui ont été retiré en liquide à la banque BGFI à Kinshasa par un homme de paille de la famille Tajeddine, hommes d’affaires libanais sous sanctions américaines pour financement illicite du Hezbollah. Une autre avance d’impôt a été versée directement sur le compte de Sud Oil, une entreprise liée au réseau de Kabila, sans même passer par la Banque centrale.
En outre, il est apparu clairement que le ministère des Finances a seulement validé a posteriori la réception de tels fonds, même lorsqu’il n’y avait aucune preuve réelle de cela. Le rôle d’Albert Yuma est également à souligner, considérant qu’à l’époque des faits il n’était pas seulement le PDG de la Gécamines, mais aussi Administrateur et Coordinateur du Comité d’Audit de la Banque Centrale du Congo et qu’à ce titre, il était chargé entre autres de faire le suivi des opérations concernées.
Il est ressorti de la recherche une tendance selon laquelle l’État congolais a demandé à plusieurs reprises d’énormes sommes d’argent à la Gécamines, dont l’État est le seul actionnaire, juste après que l’entreprise ait conclu des accords rentables avec des investisseurs internationaux, comme China Molybdenum, Glencore et Eurasian Resources Group. Cela a empêché la Gécamines de poursuivre sa stratégie de relance de son activité dans le secteur minier et a mis à rude épreuve sa situation financière déjà difficile, lui rendant impossible le remboursement de ses nombreuses dettes.
“L’IGF doit rendre public les conclusions de son enquête,” dit Jean Claude Mputu, Directeur Adjoint de Resource Matters. Si ces allégations sont confirmées , il faudrait absolument que les responsables soient punis et que cet argent soit restitué à l’Etat et à la Gécamines.”
Compte tenu de toutes ces conclusions, Resource Matters recommande au gouvernement congolais de :
by Resource Matters