RESUMÉ EXÉCUTIF
En s’adressant à la Nation le 29 janvier 2025 au lendemain de l’entrée de l’AFC/M23 dans la ville de Goma, le président Tshisekedi a annoncé une série de mesures visant à réduire le train de vie des institutions en guise d’effort de guerre. Il s’agit notamment de la suspension des missions à l’extérieur du pays, des coupes sur les frais de fonctionnement et les interventions économiques ainsi que sur les rémunérations de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Gouvernement, du pouvoir judiciaire et des institutions d’appui à la démocratie. C’est une mesure qui intervient tardivement d’autant plus que les appels à la réduction du train de vie des institutions datent de longtemps.
Plusieurs acteurs socio-politiques y compris étatiques ont régulièrement exprimé leur volonté de réduire les crédits alloués aux institutions. La consommation des ressources nationales par les institutions politiques est considérée comme un accaparement des richesses nationales par les élites. Ce rapport apporte une nouvelle grille d’analyse de la prédation qui se vit en RDC depuis plusieurs années. Au lieu de se concentrer sur les pratiques de corruption souvent dénoncées par les structures travaillant dans la lutte contre la corruption, il met l’accent sur une appropriation des ressources publiques par une poignée de l’élite suivant des pratiques de répartition budgétaire inéquitable.
Ce rapport montre également que le débat de la réduction du train de vie des institutions semble être à la fois un discours démagogique généralement porté par les décideurs publics et l’expression d’une véritable quête de justice sociale en RDC. Il examine d’abord, les disparités existantes dans l’allocation des ressources publiques entre les différentes institutions du pays et entre les catégories des agents publics de l’Etat. A cet effet, ce rapport présente les inégalités sociales du personnel de l’Etat comparé aux institutions politiques. Par exemple, alors que les députés nationaux touchent des émoluments et autres avantages exorbitants estimés à plusieurs milliers de dollars américains, les agents de l’ordre et sécurité (policiers, militaires) et les enseignants reçoivent difficilement une rémunération atteignant 100 dollars américains. Le rapport note également l’opacité autour des rémunérations des élites politiques au détriment d’autres catégories. Ce secret de facto semble favoriser la dilapidation des ressources publiques, en occultant toute tentative d’exigence de redevabilité.
Ensuite, il présente les écarts entre les fonds alloués au fonctionnement et interventions économiques des institutions politiques par rapport aux investissements de l’Etat dans les secteurs clés de la vie nationale.
A titre d’illustration, le rapport relève que la RD Congo consomme plus qu’elle n’investit et ne redistribue aux citoyens à travers de politiques publiques. Pendant que les dépenses de fonctionnement des institutions et ministères ont été exécutées respectivement à 121,7 % et 85 % au premier semestre de l’année 2024, certaines rubriques budgétaires n’ont pas connu de décaissement, à savoir, le financement des réformes, le fonctionnement des services déconcentrés, bourses d’études. Dans la même période, les dépenses en investissement sur ressources propres ont été exécutées à 29,6 %.
Ce rapport épingle les causes de cette consommation excessive des ressources publiques par l’élite politique et suggère de pistes de réflexion pour y mettre fin.
Le pays est, en effet, enfermé dans une culture de partage des postes politiques comme moyens d’enrichissement personnel et non de servir la nation. L’exercice des charges publiques se fait avec des moyens incontrôlables par l’opinion publique. Lesdits moyens sont couverts par l’opacité sur les frais de fonctionnement des institutions et les rémunérations de leurs animateurs octroyées en l’absence d’une politique salariale équitable des agents publics de l’Etat. Ces sont là les causes principales identifiées dans ce rapport et qui sont à la base de cette surconsommation des fonds publics par les institutions.
Le rapport préconise que certaines institutions comme le Sénat ou le CNSA d’une part, et structures étatiques comme l’INAFORJ et l’École de formation et de recyclage du personnel judiciaire (EFRPJ) d’autre part, soient rationalisées et/ou supprimées en raison notamment de leur caractère obsolète ou chevauchements qui les caractérisent. Par ailleurs, le rapport souligne la nécessité de basculer vers le budget programme et de publier les salaires et émoluments des agents publics de l’Etat, sans distinction, telle que voulue par le président de la République.
Les conclusions de ce rapport, particulièrement ses recommandations pratiques,si elles sont capitalisées par les institutions compétentes, peuvent aider le pays à dégager des ressources nécessaires pour financer ses investissements et mêmes ses dépenses d’urgences, comme celles de calamités naturelles et de guerre, dont il a besoin, tout en contribuant structurellement à la réduction des inégalités et de la pauvreté nécessaires pour la stabilité.